Ma réponse aux "hijabis"

Publié le par Nadia Geerts

Dans une vidéo diffusée le 29 juin 2020 dans la Playlist « Histoires belges », Vews-RTBF donne la parole à 5 jeunes femmes, Sarah, Souhaïla, Fatima-Zohra, Salma et Safiya, « qui ont décidé de ne pas se laisser faire ».

On pourrait penser que ces 5 jeunes femmes, toutes voilées, ont décidé de s’en prendre aux prescrits islamistes qui leur imposent de porter le voile sous prétexte de vertu, de pudeur, de décence et bien sûr d’islamité, mais pas du tout. Leur cible, c’est le récent arrêt de la Cour constitutionnelle, qui se borne en fait à ne pas condamner l’interdiction des signes convictionnels prévue par le R.O.I. de la Haute école Francisco Ferrer. (1)

L’argument de la Cour se fonde notamment sur la nécessité de concilier liberté religieuse et neutralité, qui sont deux principes constitutionnels. Et manifestement, la question soulevée par l’une des intervenantes est ici centrale. 

 

La neutralité est un principe qui s’impose notamment au personnel de l’enseignement, et qui lui dicte de ne pas « témoigner en faveur d’un système politique, philosophique ou religieux » 

Or, vous le dites vous-mêmes, Mesdames, votre voile exprime votre identité religieuse, une conviction.

À ce titre, il est on ne peut plus normal qu’on vous demande de ne pas le porter dans l’exercice de certaines professions qui requièrent de votre part le respect de la neutralité.

Vous dites que cette loi est "islamophobe", parce qu’elle cible spécifiquement les femmes portant le voile. 

C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce que rares sont les personnes qui, aujourd’hui, revendiquent d’afficher aussi visiblement leurs convictions religieuses que vous, les femmes musulmanes voilées. Faux, parce que cette directive s’applique potentiellement à toute personne qui voudrait afficher ses convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de certaines fonctions. Par exemple, je ne pourrais pas aller enseigner en portant un petit chapeau proclamant que "Dieu n'existe pas".

Est-ce à dire qu’il faut « mettre son identité dans une boîte » ? 

Eh bien oui, en quelque sorte. Il s’agit en tout cas d’admettre que nos convictions font partie de notre intimité, et qu’elles n’ont pas à s’exprimer en tout temps et en tout lieu. Une certains réserve est nécessaire pour exercer certaines fonctions, parce que dans ces fonctions, notre réalisation personnelle passe en quelque sorte après notre mission de service public. Et donc, non, on ne veut pas faire croire que c’est pour vous, pour votre bien. Vous êtes majeures, vous faites vos choix, tout ce que le principe de neutralité implique, c’est que vous les assumiez, en femmes adultes et responsables. La pression invoquée par la Cour constitutionnelle, ce n’est pas celle que vous subiriez, mas celle que d’autres jeunes femmes subissent, parce que musulmanes, de la part de certaines de vos consoeurs qui tentent de les convaincre de porter, elles aussi, le voile. Et ce que le règlement des hautes écoles pédagogiques tient avant tout à garantir, c’est le fait que les enseignants qui en seront diplômés auront compris l’importance de mettre ses convictions de côté lorsqu’on est devant ses élèves, parce que c’est leur intérêt qui est prioritaire, et non le vôtre. C’est, je le répète, un métier de service public.

Mais alors, dites-vous, "Je n’ai pas la possibilité de travailler où je veux" ?

Encore une fois, la réponse est à la fois oui et non : oui, parce que ce n’est pas vous Sarah, Souhaïla, Fatima-Zohra, Salma ou Safiya, dont on ne voudrait pas, c’est de votre tenue, qui exprime une conviction religieuse.

Il ne s’agit absolument pas d’émettre un quelconque avis sur votre corps, mais de considérer que la tenue dont vous avez choisi de revêtir ce corps n’est pas neutre. Ce que vous reconnaissez d’ailleurs vous-mêmes en disant qu’elle est religieuse et exprime une conviction, et même une identité.

Cela dit, bien sûr, personne n’est vraiment neutre. 

Mais la neutralité doit être et rester un effort, un objectif. En vous voyant témoigner dans cette vidéo, je dois bien dire que je ne sens pas de volonté de votre part de faire cet effort. Au contraire, je vois une crispation sur un « foulard » auquel vous ne voulez pas renoncer. C’est dommage, mais c’est vous qui vous privez ainsi de la possibilité d’exercer certains métiers. 

 

Si vous préférez la version en vidéo, c'est par ici.

 

(1) Pour un retour sur cet arrêt : http://www.o-re-la.org/index.php/analyses/item/3272-signes-convictionnels-l-interdiction-est-legitime-dit-la-cour-constitutionnelle?fbclid=IwAR0FQ-o1DLcpOleq2B-t-igSjUfolBii_6Rm_GC74je7RDl-CNGE-AoNRi8 

Si cet article ou ce blog vous a plu, à vot' bon coeur !
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :