Élections présidentielles françaises : Quelques réflexions d’entre deux tours

Publié le par Nadia Geerts

Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle française, j’ai exprimé sur les réseaux sociaux ma déception quant au fait que Jean-Luc Mélenchon se soit borné à dire « Pas une voix à Marine le Pen », sans pour autant encourager ses électeurs à donner leur voix à Emmanuel Macron.

Cette prise de position était motivée, à mes yeux, par le fait que le clivage gauche-droite, normal et légitime en démocratie, devrait s’effacer devant le rejet de l’extrême-droite. Il ne fallait rien y voir d’autre, et pourtant, mon tweet a suscité une quantité invraisemblable de réactions indignées, quand elles n’étaient pas simplement haineuses, sur lesquelles je vais tenter de revenir ici.

Certains se sont indignés que je ne considère pas les électeurs de Mélenchon comme suffisamment adultes pour savoir ce qu’ils avaient à faire. Curieux reproche, dès lors que ce que je reprochais à Mélenchon, c’était en réalité d’être resté au milieu du gué. Il aurait pu, et ç’aurait même eu un certain panache, ne donner aucune consigne, et exprimer simplement sa confiance dans l’intelligence de ses électeurs. Mais à partir du moment où il choisissait de donner une consigne, ce qu’il a clairement fait, pourquoi laisser la place à la possibilité de ne pas se déplacer au second tour, et donc de s’abstenir, sachant que le vainqueur de l’élection présidentielle devra son élection aux suffrages exprimés, mais également aux votes blancs ou aux abstentionnistes ?

Les réponses à cette question, fournies par de nombreux électeurs se réclamant de LFI, m’ont passablement inquiétée. En effet, elles consistaient pour beaucoup à rabattre soit Macron sur Le Pen, soit le Pen sur Macron : les uns considéraient que la politique ultralibérale d’Emmanuel Macron n’était qu’un autre fascisme, une autre forme d’extrémisme de droite, etc. Les autres considéraient que le programme de Marine Le Pen n’était finalement pas si à droite que ça, et qu’il était même plus social que celui de Macron. Bref, nombre d’intervenants semblaient valider l’équation Macron = Le Pen : « Impossible de choisir entre la peste et le choléra, nous n’irons donc pas voter au second tour ». Minoritaires étaient ceux qui exprimaient leur détermination à aller voter pour Macron (même à reculons), ou (hélas) pour Le Pen…

Comme il fallait s’y attendre, ces réactions ont été fréquemment accompagnées d’insultes ou d’attaques diverses à ma personne. Certaines, assez drôles, me reprochaient de me mêler indûment de la politique française. D’autres, plus attendues, me reprochaient d’être moi-même trop « à droite » pour avoir des leçons à donner à qui que ce soit, et surtout pas à gauche.

Nous y voilà. En effet, on atteint là, me semble-t-il, le sommet de l’absurdité. L’attachement de certains à une politique de gauche les mène manifestement à ne plus faire la différence entre droite et extrême-droite, les englobant dans un même rejet. Or, la démocratie, que cela plaise ou non, elle se fait avec l’ensemble du peuple : des gens de gauche, mais aussi des gens de droite, chez qui devrait primer l’attachement aux fondements de la démocratie : le multipartisme, les libertés fondamentales, l’égalité en dignité et en droit de tous les citoyens.

Accepter le risque d’une Marine Le Pen à la présidence de la France, c’est accepter le sacrifice de ces fondamentaux. C’est accepter le risque réel de la rupture du principe d’égalité au profit d’une politique raciste.

Pour ma part, j’ai toujours condamné l’extrême-droite. Je n’ai cessé de proclamer mon attachement aux principes républicains, et particulièrement à la laïcité, qui refuse de considérer les citoyens comme autre chose que des membres du laos, indépendamment de leur origine, de leurs convictions religieuses, de leur sexe ou de quelqu’autre critère. Je ne me fais aucune illusion, je le précise, sur la laïcité de Macron, mais je préfère encore ses hésitations et ses cafouillages, à la ligne résolument anti-laïque d’une Marine Le Pen. Parallèlement, j’ai suivi les débuts de Mélenchon avec intérêt, ravie que naisse, alors que le PS sombrait de ce point de vue, un mouvement laïque de gauche, profondément émue par son hommage à Charb et à Arnaud Beltrame, et j’ai salué son appel à voter Chirac contre Jean-Marie Le Pen en 2002. J’ai été d’autant plus catastrophée de voir ses reculades, ensuite : condamnation de la loi « séparatisme », ou du reportage « Zone interdite », et plus généralement validation du concept fumeux d’islamophobie, à tel point qu’aujourd’hui, la gauche laïque me semble bien mieux incarnée par le candidat PCF Fabien Roussel que par Mélenchon.

Tout ceci pour dire qu’à mes yeux de laïque, d’universaliste, de féministe, d’antifasciste, ce qui compte par-dessus tout, c’est la défense de ces valeurs-là, et que je voterai toujours pour celui ou celle qui s’en éloignera le moins. Jamais, donc, pour l’extrême droite.

Alors certes, il est légitime d’accorder plus d’importance à la question sociale qu’à la laïcité. Mais ici, je reste convaincue qu’il ne s’agit pas « que » de laïcité : il s’agit de liberté et d’égalité, il s’agit même de fraternité, ces trois principes républicains que le RN foule allègrement aux pieds.

 

 

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