Chakun panse se ki veux

Publié le par Nadia Geerts

L’histoire se passe au cours d’histoire, première année secondaire, Schaerbeek. Le professeur demande à ses élèves quelles sont, selon eux, les origines de l’homme. Beaucoup d’élèves de la classe sont croyants, musulmans pour la plupart. Ils répondent « Dieu ».

 

Et le professeur écoute, sans commentaire. Lorsque les élèves lui demandent ce qu’elle en pense, elle, elle répond qu’elle n’a pas à donner son avis, que chacun a le droit d’avoir son opinion.

-         Soit. Mais, m’inquiété-je, elle a quand même fini par expliquer ce que les recherches historiques nous enseignaient ? Le carbone 14, l’homme de Neanderthal et tout ça ?

Non, rien de tout ça.

-         Mais elle va sans doute le faire, lors d’une prochaine leçon ?

-         Ben non, c’est comme elle dit : chacun a le droit de penser ce qu’il veut.

J’espère que l’élève se trompe. J’espère qu’à la prochaine leçon, l’enseignante fera remarquer aux élèves que certes, ils croient ce qu’ils veulent, mais que l’histoire n’en est pas moins une science qui a permis de découvrir certaines choses au sujet des origines de l’homme, et que ces choses, elle est là pour les leur enseigner. Quelles que soient leurs croyances par ailleurs. Dans le cas contraire, je n'hésiterai pas à faire part de ma désapprobation à l'enseignante en question, ainsi qu'à l'échevin de l'enseignement. Quel sens, en effet, peut bien avoir l’enseignement dès lors que l’on ne pourrait plus rien enseigner de ce qui heurte, ou pourrait heurter, les convictions des uns ou des autres ? A ce compte-là, vivent l’ignorance, les préjugés et le dogmatisme !

Il ne s'agit pas, évidemment, de nier l'existence de Dieu, mais de remettre les convictions religieuses à la place qui est la leur, c'est-à-dire celle de la sphère privée, qui ne saurait faire obstacle à la transmission des connaissances scientifiques.

Et dire qu’en 1883, Jules Ferry pouvait écrire :

« Au moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve, à votre connaissance, un seul honnête homme qui puisse être froissé par ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis bien un seul, présent à votre classe pourrait, de bonne foi, refuser son assentiment à ce qu’il entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire (…) ».

Bien sûr, ces lignes concernent l’enseignement primaire, et l’on n’enseignait que très peu d’histoire ou de biologie à l’école primaire à cette époque. Et de plus l’écart entre la morale religieuse la plus conservatrice et l’esprit général de la société civile était certainement bien moins grand qu’aujourd’hui.

Il n’empêche qu’il y a quelque chose de déprimant à constater que ce qui a longtemps fait figure de recommandation de bon sens, s’agissant de respect des sensibilités religieuses des élèves et de leurs parents, est devenu aujourd’hui totalement inapplicable sous peine de compromettre la mission d’enseigner elle-même, et ce au nom du relativisme culturel.

Et l’argument fait mouche : au retour de l’école, l’élève donnait entièrement raison à ce professeur tellement respectueux des opinions de chacun...

 

 

Publié dans Enseignement

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