Le bon dieu, l'arc en ciel et l’isoloir
Afficher son orientation sexuelle derrière le guichet d’une administration anversoise, c’est niet.
Voilà en tout cas ce que vient de clamer Bart de Wever, très inquiet à l’idée qu’on puisse ne pas parler de lui quelques jours durant. Car non, il ne veut pas savoir si le fonctionnaire qui le
sert est musulman, homosexuel et électeur du Vlaams Begang.
Aussitôt, d’aucuns ont crié au scandale, protestant que l’homosexualité n’est en rien comparable à un signe politique ou
religieux, puisqu’elle n’est en rien une conviction. Ce en quoi je m’empresse de dire qu’ils ont parfaitement raison. Non, être homosexuel, ce n’est pas être profondément convaincu, après avoir
mûrement soupesé les mérites comparés de la papouille homo ou hétéro, que la première l’emporte très nettement sur la seconde. Tout comme être hétérosexuel, sauf chez les refoulés compulsifs, n’a
rien à voir avec le fait de considérer que l’hétérosexualité, c’est définitivement le top du top et que l’essayer devrait mener à l’adopter. Il y a même – c’est dingue…- des homos qui
préféreraient être hétéros (ne serait-ce que pour ne pas se faire dévisager, version soft, ou casser la gueule, version hard, pour une menotte dans une autre) et des hétéros qui trouvent
l’homosexualité vachement cool - si si, en cherchant un peu, ça doit se trouver.
Donc, l’homosexualité n’est pas une conviction, et être homosexuel et prosélyte, équivaudrait à être crétin à un point que ma
confiance désespérée en le genre humain ne peut se résoudre à envisager. Et donc, petit 1, Bart a tort.
Pourtant, à y réfléchir de plus près, je ne vois pas très bien en quoi l’orientation sexuelle du fonctionnaire qui
renouvelle mon passeport me regarde, ni surtout en quoi il éprouve le besoin de me la faire connaître. Quoi, n’aurait-il vraiment, dans sa garde-robe, que des t-shirts ornés d’un arc-en-ciel et
surmontés d’un slogan « Homo for ever » ? Est-ce vraiment une intolérable entrave à sa liberté d’expression que de lui demander de s’abstenir de dire toute la journée, par
l’intermédiaire d’un imprimé ad hoc, qu’il éprouve une attirance sexuelle nettement supérieure pour les humains de son sexe que pour ceux de l’autre ? D’autant que, en ces temps troublés,
l’expression d’une telle homophilie pourrait être perçue comme une prise de position politique en faveur du mariage, voire de l’adoption, voire même de droits égaux en toutes choses pour tous,
indépendamment de l’orientation sexuelle. Où l’on revient à l’idée bien soixante-huitarde et néanmoins pas tout-à-fait fausse selon laquelle tout est politique, même le sexe. Et donc, petit 2,
Bart a raison.
Quoique finalement, je me demande si la vraie question est là. Car enfin, quelqu’un peut-il me dire si cette bonne ville
d’Anvers a été confrontée récemment à un mouvement d’homosexuels exhibitionnistes affichant urbi et orbi les administrations communales leur affection rien moins que chaste pour les
humains du même sexe ? Voire même à un seul homosexuel particulièrement désireux de communiquer sa préférence sexuelle à l’humanité entière par le biais d’un arc-en-ciel, en commençant par
les administrés d’Anvers ?
J’ai comme l’impression que la réponse est non, et que Bart ne fait en réalité qu’agiter le t-shirt arc-en-ciel dans le but
d’escagasser, donc de séduire, l’électeur homophobe. et que donc, petit 3, Bart a tort.