Incitation, information: un distinguo trop subtil ?

Publié le par Nadia Geerts

C’est pas parce que le 29 février ne tombe qu’une fois tous les quatre ans que ce jour-là, on peut écrire n’importe quelles âneries.  C’est pourtant ce qu’a fait Ahmed Mouhssin, conseiller communal Ecolo à Saint-Josse, en envoyant un communiqué de presse intitulé « Ni Putes Ni Soumises incitent à la débauche des mineurs, selon des parents d’élèves ».

Et comme de juste, une certaine blogosphère s’est empressée de relayer l’information sans la moindre distance critique, Khalil Zeguendi, de « Bruxellois non peut-être » allant jusqu’à traiter les ni putes ni soumises de « connasses », avant de parler d’ « incitation à la débauche des mineurs; une incitation encouragé et subventionnée par les pouvoirs publics. ».
Et ça, c’est vraiment con. Parce que l’incitation à la débauche de mineurs, c’est quand même pas n’importe quoi. Et que cette accusation grave repose sur le fait que le Guide du respect écrit (page 15) « qu'après16 ans, le mineur est libre d'entretenir des relations sexuelles, si celles-ci ont lieu avec son consentement et avec une personne de plus de 16 ans ».
Selon Ahmed Mouhssin, par ailleurs coordinateur de « Vigilance musulmane », le guide en question omet de préciser que, selon le Code pénal, « même si un mineur de plus de 16 ans a des relations sexuelles, consentantes, avec un(e) majeur, ce dernier peut être accusé(e) de débauche de mineur. De même, des parents qui hébergent la copine mineure de leur fils majeur, pourraient être poursuivi par les parents de la jeune mineure ». Et de réclamer que la diffusion du Guide du Respect soit immédiatement interrompue.
 
Outre que je suis fort étonnée que le Code pénal parle de « copine » (on s’étonne presque qu’il ne précise pas la différence essentielle entre un lit double et deux lits jumeaux pour ce qui est de la présomption de débauche de mineur…), je suggèrerais au brave Ahmed Mouhssin de potasser un peu mieux les textes de loi belges. Il saurait alors
-          que la majorité sexuelle est fixée à seize ans ;
-          que cela signifie donc qu’on peut être mineur légalement tout en étant majeur sexuellement ;
-          qu’en conséquence de quoi, des parents peuvent évidemment poursuivre devant les tribunaux un majeur qui aurait des relations sexuelles avec leur enfant mineur ;
-          mais que si le consentement de ce dernier est établi, le majeur ne sera pas inquiété autrement.
La phrase « après 16 ans, le mineur est libre d'entretenir des relations sexuelles, si celles-ci ont lieu avec son consentement et avec une personne de plus de 16 ans » est donc rigoureusement exacte, et j’ai beau la tourner et retourner en tous sens, je n’y vois pas la moindre incitation à quoi que ce soit. Tout au plus de l’information. Un distinguo trop subtil peut-être pour Ahmed Mouhssin.
Khalil Zeguendi, lui, c’est sûr, a élevé l’information au rang de valeur suprême, lui qui dépeint le Guide en question comme un « "torchon nauséabond" d'une association laïcarde soutenue par des gens cherchant à attiser la haine et la confrontation des cultures ». 
Tiens, j'en rajoute une couche dans l'incitation à la débauche, en vous invitant à consulter le site de Bruxelles-J (site d'information jeunesse) et plus particulièrement la page http://www.bruxelles-j.be/la-loi-et-la-sexualite. On y trouve ce que dit vraiment le Code pénal belge, ainsi que les explications qui en découlent et que Monsieur Mousshin a reprises dans son communiqué de presse... pour en faire tout autre chose !
 

Publié dans Société

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