Extrême droite – Djihadisme : 49-651

Publié le par Nadia Geerts

Cet article a été initialement publié dans la revue Ecran de Veille de janvier/février 2023, sous le tire "Dire non au repli communautarisme".

Le 25 novembre 2022 avait lieu en Belgique une journée d’étude organisée par la Défense nationale sur le thème de la radicalisation. Ce colloque s'adressait aux autorités de la Défense et aux spécialistes du domaine, notamment la police judiciaire fédérale, l'Ocam (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) et le service de renseignement militaire (le SGRS). Lors de son intervention, l’Ocam a fait savoir que 712 personnes étaient répertoriées dans la Banque de données commune que les autorités utilisent dans leur lutte contre l’extrémisme en Belgique. Parmi eux, 651 sont des djihadistes, 12 des extrémistes de gauche, et 49 des extrémistes de droite. Parmi ces derniers, 24 sont qualifiés de « potentiellement violents ».

49 extrémistes de droite pour 651 djihadistes, cela paraît peu ; mais c’est pourtant plus que les années précédentes, au point que l’Ocam s’inquiète de ce qu’il qualifie comme une « forte progression » de l’extrémisme de droite.

Cette inquiétude est évidemment compréhensible, mais il n’en reste pas moins que la principale menace, et de loin, reste aujourd’hui la menace islamiste, ce que corrobore d’ailleurs le rapport annuel de la Sûreté de l’État. De plus, il y a fort probablement un effet de renforcement réciproque entre l’augmentation du radicalisme islamiste et celui de l’extrême droite.

Pourtant, suite aux violences qui ont suivi le match Belgique – Maroc, deux politiques belgo-marocains – Rajae Maouane et Ahmed El Khannouss - se sont adressés aux casseurs en ces termes : « Adoptez un comportement plus respectueux » et « Ne réagissez pas aux provocations de l’extrême-droite ».

 

Rajae Maouane est la co-présidente du parti Ecolo. Elle siège également au conseil communal de Molenbeek, et s’est notamment distinguée en octobre 2020 par un tweet où elle souhaitait une bonne journée à tous, sauf au gouvernement français… Un tweet pour le moins maladroit au lendemain de l’hommage à Samuel Paty, puisque ce que la co-présidente d’Ecolo reprochait au gouvernement français, ce n’était pas de ne pas avoir pu empêcher la décapitation de Paty par des islamistes, mais bien les propos du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin condamnant le communautarisme ! Rajae Maouane s’est également illustrée en 2021 en publiant sur son compte instagram une illustration d’un combattant palestinien lançant une pierre avec une fronde. Circonstance aggravante : la chanson accompagnant cette story était « Wein Al Malayeen », interprétée par une article libanaise proche du Hezbollah, Julia Boutros, qui y encourage le peuple arabe à lutter contre les « fils de Sion »… La Ligue belge contre l’antisémitisme avait alors demandé la démission de la co-présidente.

 

Quant à Ahmed El Khannouss, il siège à présent comme indépendant au conseil communal de Molenbeek, après avoir été exclu de son parti Les Engagés en octobre dernier. En cause, ses propos relatifs au retrait du permis de séjour de l’imam principal de la mosquée molenbeekoise Al Khalil, Mohamed Toujgani. El Khannouss avait en effet pris fait et cause pour l’imam intégriste, et qualifié son renvoi par la Belgique de « mesure de déportation ». Quant à la propre fille d’El Khannouss, Inès, elle fut soupçonnée en 2017 de complicité avec son amoureux Youssef Bouamar, qui avait déjà été condamné à l’époque pour sa participation à un groupement terroriste, et qui recrutait des futures épouses de djihadistes pour la cellule dite « de Jumet ». Elle fut finalement acquittée, et son « amoureux » condamnée à 8 ans de prison. Mais une chose est sûre : l’islam radical n’est pas un phénomène inconnu d’El Khannouss, qui militait déjà en 2010 pour la libération du djihadiste belgo-marocain Oussama Atar, alors emprisonné en Irak et qui fut l’un des principaux organisateurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 22 mars 2016 à Bruxelles. La campagne « Sauvons Oussama » restera d’ailleurs dans l’histoire comme emblématique de l’aveuglement de certains politiques belges de la gauche francophone (Ecolo, PS et le CDH, depuis rebaptisé Les Engagés) quant à l’islam radical. Mais l’affaire Atar est aussi celle d’une suite d’erreurs inexplicables des services de sécurité et des autorités judiciaires. En effet, lorsqu’Oussama Atar fut finalement libéré en 2012, il revint en Belgique où il ne fit l’objet d’aucune surveillance, bien qu’il fut inculpé pour participation aux activités d’un groupe terroriste ! Il n’eut donc aucune difficulté à se procurer un passeport et à s’envoler en décembre 2013 pour la Tunisie, où il fut arrêté, puis relâché (malgré un signalement Interpol). Il rejoint alors ses cousins germains, les frères El Bakraoui en Syrie… et la suite est connue.

Comme l’écrit le journaliste Christophe Lamfalussy, co-auteur avec le député Georges Dallemagne du livre « Le clandestin de Daech », dans un article paru le 2 décembre 2022 dans La Libre : « Ni la Sûreté de l’État, ni les Affaires étrangères, ni le gouvernement belge n’ont jamais expliqué à l’opinion publique comment Oussama Atar avait pu obtenir si facilement un passeport en octobre 2013 à la maison communale d’Anderlecht, alors que, comme l’a révélé le livre “Le Clandestin de Daech”, l’une des conditions de sa libération anticipée d’Irak était qu’il n’en obtienne pas. De même, la Sûreté n’a jamais voulu répondre à la question de savoir si elle avait concrétisé le projet, imaginé en 2006 par son ancien responsable de la lutte contre l’islamisme, de faire d’Atar une source de renseignement en contrepartie de son rapatriement en Belgique. »

Oussama Atar était né en Belgique le 4 mai 1984. Il serait mort le 17 novembre 2017, abattu en Syrie par un drone de l’armée américaine. Mais en l’absence de preuve de son décès, la justice belge a décidé, comme son homologue française, de le poursuivre.

 

Au moment où s’ouvre à Bruxelles le procès des responsables des attentats du 22 mars 2016, il est pour le moins interpelant que certains de nos représentants politiques restent muets sur le danger djihadiste, mais voient le spectre de « provocations de l’extrême droite » dans les agissements de casseurs. Car de ces provocations, nul ne produit la moindre preuve, pas même le plus petit indice. Par contre, la montée du fondamentalisme et du radicalisme islamiste, y compris dans sa forme la plus violente – celle du djihad armé – nous la voyons devant nous.

Atar s’est radicalisé à Bruxelles. Comme tant d’autres. Nous avons à Bruxelles des hommes et des femmes politiques d’origine maghrébine et de culture, voire de religion musulmane. Si cette filiation doit servir à quelque chose, on pourrait au moins espérer que ce soit à exhorter les jeunes musulmans à rester sourds aux sirènes de l’islam radical. Au lieu de cela, certains ont manifestement pris le parti de faire vibrer jusqu’à la nausée une corde victimaire et communautariste.

 

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Publié dans Société

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