Sexualité: mon corps m'appartient ?
C’est devant une salle comble que Benoîte Groult, Claire Oger, Hugo Godoy et Michel Duponcelle ont décliné ce mercredi 5 décembre, chacun à sa manière, le thème « La sexualité : mon corps m’appartient ! » de la soirée Fraternité, les rencontres de la laïcité, de l’égalité et de la mixité.
Dans son
intervention sur Le féminisme historique Benoîte
Groult, a insisté sur l’importance symbolique du langage, qui permet de dire les choses… ou non, puisque selon elle, « on ne nomme pas ce qu’on ne souhaite pas ». Et d’évoquer
l’absence d’équivalent féminin au terme « fraternité » (« Fraternité, au fond, ça ne me concerne pas : je ne suis le frère de personne »), mais aussi la naïveté de ces
hommes qui ont nommé « universel » un suffrage qui excluait les femmes.
La galanterie, dès lors, apparaît comme une compensation à l’infériorisation subsistante des femmes : que sert de baiser la main des
femmes, de leur tenir la porte ou de leur céder sa place dans l’autobus, si par ailleurs on leur enfonce la tête, leur claque les portes au nez ou leur refuse un siège dans les lieux de
pouvoir ?
Comment se défaire de ces jugements dévalorisants entendus depuis des siècles, qui font de la femme un « mâle puni » (Platon),
« en manque de phallus » (Freud), aux organes féminins « abominables » (Linné) ?
Une question qui prend tout son sel quand on apprend avec Benoîte Groult qu’une féministe comme Simone de Beauvoir cédait aux injonctions de la
rédaction du Monde, lorsque celui-ci, dans les années 60, refusait d’écrire dans ses colonnes le mot « vagin ».
Dans un article à connotation érotique ?
Dans un article à connotation érotique ?
Pas du tout. Il s’agissait de décrire la torture subie par une jeune héroïne de la guerre d’Algérie à qui ont avait enfoncé une bouteille dans
le vagin…pardon, dans le ventre, comme Simone De Beauvoir l’écrira finalement, cédant sans doute sans le savoir à ce leitmotiv de l’intervention de Benoîte Groult : « On ne nomme pas ce
qu’on ne souhaite pas ».
Après avoir fait l’éloge du système de santé et de solidarité belge, non discriminatoire et respectueux de l’individu dans toutes ses
différences, après avoir affirmé avec force que la mort, la sexualité et la foi sont intimes à chaque personne, le docteur Godoy s’est inquiété des régressions qu’il constate actuellement dans le
monde hospitalier : demande de certificats de virginité par des parents cherchant à marier leur fille – le plus souvent contre son gré -, reconstructions d’hymen – par exemple pour s’assurer
que sa petite amie ne sera pas infidèle pendant les vacances ! -, mais aussi abandon de tout traitement médical et de toute contraception par des patientes atteintes du sida convaincues que
la prière les guérira, ou encore le refus par des hommes qu’un homme, fût-il médecin, prenne en charge leur femme.
Le docteur Godoy le réaffirme avec force : tant que la vision de la foi se limite à la sphère privée, on ne peut parler d’intégrisme. Mais
les problèmes commencent lorsque certaines veulent régenter les autres croyances, les non croyants, la famille, la société, l’hôpital.
Face à ces traditions qui enferment, ces modèles patriarcaux en plein développement qui nient l’individualité de la femme, il insiste sur
l’urgence d’actionner la sonnette d’alarme et de proposer des pistes pour aider les plus démunis : la femme et les enfants.
Après
un savoureux intermède artistique, tout à la fois émouvant et drôle, assuré par Sam
Touzani reprenant des extraits de son spectacle Liberté, égalité, sexualité, et une brève présentation du RAPPEL (http://rappel.over-blog.net/) par Chemsi Cheref-Khan et moi-même, la parole fut donnée à la salle.
J’en retiendrai surtout l’extrême complexité de la situation actuelle des médecins, tout à la fois viscéralement attachés au respect de la
liberté et du droit des patients, et qui se trouvent cependant placés dans des situations ou ce droit, cette liberté, mettent gravement en danger la vie de leur patient ou celle d’autrui. Enfin,
cette soirée a eu le mérite de renforcer ma conviction que, si l’approche empathique prônée par Claire Oger est évidemment nécessaire, elle ne peut suffire à articuler les exigences individuelles
– au nom, le plus souvent, des traditions ou des convictions religieuses, souvent entremêlées d’ailleurs – et le vivre ensemble.
Si la laïcité politique ne constitue en rien une baguette magique permettant de régler une fois pour toutes ce type de problème, il n’en reste
pas moins évident à mes yeux que ce cadre général constituerait une piste de réflexion salutaire.