Exit La Championne nationale, ouf !

Publié le par Nadia Geerts

 

L’information s’étale à longueur de suppléments, occupe la moitié d’un journal télévisé, alimente les conversations, fait la Une de la presse écrite. La situation des droits de l‘homme en Chine ? Une quelconque catastrophe naturelle ? Un nouveau scandale politico-financier ? Un énième épisode de la saga gouvernementale belge ?

Pas du tout. Justine Hénin a décidé qu’elle arrêtait de taper dans une baballe jaune avec une raquette. Chose qu’elle faisait certes fort bien, et qui lui a permis, en quelques années, d’engranger une coquette somme d’argent qu’elle a fort judicieusement planquée à Monaco, histoire d’éviter d’en gaspiller une partie en contributions et taxes diverses, non mais.

D’aucuns me traiteront sans doute une fois de plus de pisse-vinaigre, mais cette grand-messe médiatique autour d’une joueuse de tennis m’agace supérieurement. Non pas que j’aie plus de sympathie pour l’engouement qui a suivi je ne sais quelle victoire tant attendue des « Rouches » –  en tapant dans une baballe, eux aussi. Qu’ils soient d’ailleurs adeptes de la petite ou de la grosse balle, du vélo ou du cheval, de la brasse ou de l’aviron, du saut en hauteur ou d’un quelconque autre sport, je m’en tape éperdument : la Terre est pleine de gens qui font bien ce qu’ils font, et alors ? Porte-t-on pareillement aux nues, couvre-t-on pareillement d’argent, d’une manière qui en devient indécente, tous ceux qui ont un indéniable talent dans un domaine particulier ? L’artisan qui confectionne la meilleure tarte al djote, le traducteur qui a le mieux su saisir l’essence même d’un texte de Cicéron ou de Goethe, l’interprète qui chante avec le plus d’émotion tel opéra de Verdi, le virtuose de l’aiguille, du violoncelle ou de l’entrechat ne mériteraient-ils pas autant de considération que « Juju » ? Ou, pour traduire plus exactement ma pensée, Justine Hénin mérite-t-elle, pour ses exploits tennistiques, plus d’admiration, d’heures d’antenne et de gros sous que tous ces gens qui, chacun dans leur discipline, travaillent également sans compter leurs heures pour atteindre un jour, peut-être, l’excellence (et certainement sans produits dopants, mais je m’arrête là, au risque de me voir poursuivre pour crime de lèse-majesté, d’avoir sous-entendu qu’il n’était pas totalement inimaginable, après tout, que comme tant d’autres dans le domaine sportif, Justine Hénin ait eu recours à des substances illicites) ?

Bref. Quelqu’un pourra-t-il un jour m’expliquer ce qui justifie la place ahurissante qu’occupent les sports, et en particulier certains d’entre eux, dans une presse dont la mission me semble être de m'informer de l’actualité « généraliste »? De la même manière que je dois avoir recours à la presse dite spécialisée pour tout savoir des dernières frasques de Britney Spears – excusez, mes références datent un peu –, pour connaître le résultat du dernier tournoi de golf ou de la dernière course hippique, pour savoir si le dernier film d’Almodovar vaut le détour ou encore pour contempler la tenue que portait la princesse Machinchose au dernier rallye de la haute, pourquoi ne réserve-t-on pas le foot et le tennis à la presse sportive ?

Exit Juju donc, et, vous m’aurez comprise, c’est à mes yeux plutôt une bonne nouvelle. Pourvu que demain une nouvelle future championne (ou un nouveau futur champion, je ne suis pas sexiste) belge ne pointe pas le bout de sa raquette…

Publié dans Société

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