Voici venue la christophobie

Publié le par Nadia Geerts

On connaissait déjà, et comment, l’islamophobie, mot-valise permettant de disqualifier toute critique d’un quelconque phénomène se rattachant de près ou de loin à l’islam(isme) comme l’expression d’une inacceptable stigmatisation de la communauté musulmane tout entière. Voici à présent venue la christophobie[1].

 

Cette fois-ci, ce ne sont pas les obscurs extrémistes de Belgique & Chrétienté qui jettent l’anathème, mais un cardinal : le cardinal Antonio Canizares Llovera, archevêque de Tolède. Et l’accusation pointe la justice espagnole. En effet, celle-ci, suite au dépôt d’une plainte par un parent d’élève et une association de défense de l’école laïque, a imposé à l’école publique Macias Picavea de décrocher les crucifix qui s’y trouvaient.

Le juge a en effet estimé que la présence de ces crucifix pouvait provoquer chez les élèves « le sentiment que l’Etat est plus proche » du catholicisme que des autres confessions religieuses. Quant à la ministre de l’éducation Mercedes Cabrera, elle estime que « la Constitution dit que l’Espagne est un pays aconfessionnel et, par conséquent, l’école doit aussi l’être », tout en estimant que c’est aux écoles publiques de décider de retirer ou non les crucifix. Comprenne qui pourra…

Notons aussi la réaction du cardinal Carlos Amigo Vallejo, pour qui le retrait des crucifix « ne favorise pas la vie en commun », et surtout de L’Ossevatore Romano, pour qui « depuis quelques temps, l’invocation des droits et libertés est devenue en Espagne un prétexte juridique qui masque un sentiment de haine antireligieuse et de christophobie ». dans le quotidien vaticanesque, le journaliste Juan Manuel de Prada explique que « Le crucifix ne peut offenser que ceux qui veulent que l’Etat devienne un nouveau dieu avec un pouvoir absolu sur les âmes ».

De manière assez amusante, il semble que ce soit autour des signes religieux que se déchaînent prioritairement les passions. Rappelons en effet que le terme  « islamophobie » fut d’abord utilisé en 1979 par les mollahs iraniens pour stigmatiser les femmes refusant de porter le voile[2]. Aujourd’hui, voilà qu’il suffit de souhaiter la disparition des signes religieux dans les bâtiments publics pour être taxé de « christophobie ».

Quoique… En cherchant bien, on s’aperçoit qu’en 2004, le trop connu Philippe de Villiers,
président du Mouvement pour la France et Député européen déclarait déjà : « un chrétien aujourd’hui ne peut pas être membre de la Commission européenne. C’est le début d’une ère nouvelle : la christophobie. L’Europe des différences, oui pour tout le monde, sauf la différence chrétienne ».

Et Joseph Weiler[3] de parler à son tour de christophobie : « Il y a une autre raison pourquoi la mention de Dieu a été retirée de la constitution : la laïcité européenne n’est pas –contrairement à la sécularisation américaine- un « je ne crois pas à Dieu », mais en fait presque une foi en elle-même : une opposition à toute religion, et par là en Europe on veut dire la foi chrétienne. C’est pourquoi je ne vois pas de raison de ne pas parler dans mon livre de « Christophobie ». »

Tout cela me rappelle amèrement les débats du XIXième siècle en Belgique, lorsque d’aucuns voulaient à toute force amalgamer les revendications laïques avec un athéisme agressif et intolérant. Deux siècles plus tard, il est triste de constater qu’on n’a pas beaucoup avancé, certains en étant encore à ergoter sur le fait de savoir si l’absence de signe n’est pas en elle-même un inacceptable signe de non-croyance.



[1] http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2357063&rubId=4077

[2] http://www.prochoix.org/frameset/26/islamophobie26.html

[3] http://www.europe4christ.net/index.php?id=121

Publié dans Laïcité - religions

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