Dénoncer l’islamisme : faire le jeu de l’extrême droite ?

Publié le par Nadia Geerts

Les nombreuses prises de position récentes consécutives aux dérives islamistes des récentes manifestations en faveur du peuple palestinien soulèvent une question essentielle : dénoncer l’islamisme et/ou l’antisémitisme manifeste de certains manifestants ne risque-t-il pas de renforcer l’extrême droite ?

 

Formulée autrement, la question se résume à savoir s’il ne faudrait pas, en certaines circonstances, mettre en veilleuse la dénonciation d’un fascisme « vert », sous peine de nourrir l’amalgame systématiquement entretenu par l’extrême droite entre l’islam et l’islamisme d’une part, l’islamisme et le terrorisme d’autre part.

La question est d’importance. On ne peut ignorer, en effet, la récupération par l’extrême droite de toute dénonciation des revendications et discours islamistes au profit d’une condamnation indistincte de l’islam, des musulmans et des populations d’origine arabo-musulmane dans leur ensemble.

Par ailleurs, peut-on accepter d’ignorer les dérives islamistes de certains, sous prétexte que les dénoncer alimenterait inévitablement le racisme anti-Arabes et l’hostilité envers la religion musulmane en général ?

 

Personnellement, je ne le pense pas. Et l’on peut au contraire soutenir que le silence sur ces dérives alimente tout autant, voire bien plus, le discours d’extrême droite, que sa dénonciation. Ce serait en effet une posture bien étrange que celle qui équivaudrait à dédouaner les populations d’origine arabo-musulmane du fascisme présent en leur sein, tout en dénonçant l’extrémisme présent dans la population belge « de souche ». Comme si certains avaient le droit, en vertu de leurs origines, d’être moins démocrates que d’autres. Racisme inversé ?

Excuser l’extrémisme islamiste au motif que ses porte-drapeau seraient moins instruits, moins formés à la culture démocratique, voire moins aptes à défendre ces valeurs, c’est en effet partir du principe que la démocratie n’est pas un concept appréhendable par ceux-là, tandis que nous, Belges « de souche » – combien de génération faudra-t-il encore, soit dit en passant, pour qu’on cesse de catégoriser nos concitoyens en fonction de leurs origines de plus en plus lointaines, plutôt qu’en fonction des opinions et principes qu’ils défendent ? – serions par essence sensibilisés aux vertus démocratiques, et donc condamnables dès que nous nous en éloignons.

 

Une citoyenneté responsable ne peut s’accommoder de ce raisonnement à deux vitesses, qui est au fond terriblement paternaliste, voire méprisant, envers ceux qu’il prétend défendre. Il nous faut au contraire dénoncer sans relâche toute dérive extrémiste, d’où qu’elle vienne, mais aussi tout amalgame entre celles-ci et la communauté d’où elles sont issues. Oui, il y a des démocrates partout, quelle que soit leur religion, leur couleur de peau ou leur origine ethnique. Mais non, aucune appartenance communautaire ne vaccine a priori contre l’extrémisme et le fascisme. C’est cela qu’il nous faut répéter inlassablement, en évitant à la fois le piège de l’angélisme, qui sévit essentiellement au sein d’une certaine gauche, et celui de la diabolisation dont se nourrit l’extrême droite.

Ce n’est qu’en ayant à l’égard de tous nos concitoyens la même exigence de rigueur démocratique que nous lutterons efficacement contre ceux qui se servent d’un extrémisme pour en nourrir un autre.



Cet article ne traite pas du conflit israélo-palestinien et ne prend aucunement position dans celui-ci. Merci, dans vos commentaires, de réagir uniquement au contenu de l'article. Les commentaires qui ne respectent pas ce prérequis ne seront pas publiés.

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